L’inquiétante myopie des partis!
Les prochaines élections législatives seront décisives et revêtiront une importance toute particulière dans un contexte qui nécessitera des politiques
de relance fortes. Les marocains, particulièrement ceux et celles issus de la classe moyenne, s’attendent à des mesures qui impactent sensiblement leur
quotidien.
Dans son étude, « Pauvreté et prospérité partagée au Maroc du troisième millénaire, 2001-2014 », publiée en 2017 et réalisée en collaboration avec la Banque mondiale, le HCP note que la classe moyenne représente 58,7 % de la population, contre 31,2 % pour la catégorie modeste et 10,1 % pour la fourchette aisée. Mais, aujourd’hui, le constat est alarmant : la classe moyenne au Maroc se meurt. La situation de cette catégorie sociale, pilier majeur de toute économie, se détériore d’année en année. Selon les analystes, cette classe a été fortement érodée par une décennie de politiques ultralibérales, accentuées par la crise de la Covid-19, qui a fait basculer plus d’un million des citoyens dans la pauvreté. Mais il faut dire que cela fait quarante ans que les actifs à revenu moyen voient leur niveau de vie stagner, leur pouvoir d’achat baisser et leurs emplois se précariser chaque jour davantage.
Les dysfonctionnements de l’Etat, en particulier l’école et la santé, continuent de mettre à mal les revenus, avec un impact direct sur le niveau de vie, qui a baissé de -22% en seulement quelques années. Autre réalité flagrante :
au Maroc la pression fiscale sur les couches moyennes est l’une des plus élevées. Avec une TVA sur l’ensemble des produits de consommation facturée à 20% et un taux d’IR de 34% pour les revenus mensuels dont les montants oscillent entre 6.667DH et 15.000 et 38% pour ceux supérieurs à 15.000, la classe moyenne ne sait à quel saint se vouer. Dans sa contribution à l’élaboration du nouveau modèle de développement, le CESE note qu’avec un taux de 25,98%, l’Education est considérée comme le domaine le plus inégalitaire. Elle est suivie par les revenus (23,44%) et les disparités territoriales (15,42%). En effet, dans le panier de consommation, les rubriques « enseignement » et « santé » sont celles dont le poids dans le budget des ménages a le plus augmenté entre 2007 et 2014 (une hausse de 2,4 points de pourcentage du poids de l’enseignement et de 2,2 points pour la santé). «Cette situation contribue à éroder le pouvoir d’achat des ménages vue la charge budgétaire supportée, en particulier pour les classes défavorisées et la classe moyenne (double taxation) et de ce fait augmente leur insatisfaction devant l’inexistence d’un service public de qualité en contrepartie de l’impôt payé », déplore le CESE.
Ni innovation ni pro-activité
Face à une situation inédite et particulièrement inquiétante, les partis politiques montrent un immobilisme qui force l’admiration.
En effet, jusque-là seules quelques formations politiques dont le RNI, l’Istiqlal, le PPS …ont dévoilé leurs programmes électoraux. Qu’en pensent les experts ? «La plupart des partis se sont basé sur les chantiers initiés par le Roi. Alors que la pandémie actuelle devait inspirer davantage les formations politiques et les pousser à aller plus loin en proposant des solutions plus novatrices », critique Mohamed Bouden, Politologue ajoutant que le nouveau modèle de développement englobe aussi une série de propositions qu’il fallait exploiter. En gros «les partis ont toujours cette difficulté de se projeter dans le temps. On relève donc une absence d’anticipation et de proactivité dans ces programmes », conclut notre interlocuteur.
Même son de cloche chez Benyouness Benyouness Marzouki. Selon lui, «après analyse des différents programmes électoraux dévoilés, il parait clairement
que la partis n’apportent rien de concret qui pourra agir favorablement sur le quotidien des marocains particulièrement la classe moyenne». «Cette situation risque de donner lieu à un taux d’abstention important», alerte-t-il.
Programmes électoraux, quelle place pour la classe moyenne ?
On l’aura donc compris, le prochain gouvernement aura la tâche dure d’autant plus que cette classe moyenne revêt un intérêt particulier des plus hautes instances. Le défi pour les années à venir sera alors d’oeuvrer pour améliorer le revenu des ménages, réduire la pression fiscale sur les revenus bas et intermédiaires, trouver les solutions idoines pour régler la problématique de la défaillance des services publics….Or, «les programmes électoraux des différents partis restent très limités dans ce sens. Les solutions proposées ne pourront pas relever ces défis», souligne Mohamed Bouden qui appelle les partis à cogiter et s’intéresser aux plus démunis pour élargir la classe moyenne et proposer des offres adaptées à cette catégorie. De son côté Benyouness Marzouki, affirme que le statut de la classe moyenne dépend largement des politiques publiques adoptées tant au niveau économique que social. «Cette catégorie a reçu un élan important lors du gouvernement dirigé par feu Abderrahmane Youssoufi . Les travaux en cette période ont été focalisés sur l’élargissement du cercle de cette catégorie et l’amélioration de ses revenus. Cependant, les gouvernements suivants ont opté plutôt pour des politiques qui ont progressivement conduit à «l’appauvrissement» de cette classe par divers moyens (hausse des prix, augmentation des impôts…)», rappelle Marzouki.
Pour lui, la question est simple: «Le plus grand pari reste sur la mise en oeuvre du nouveau modèle de développement de notre pays pour donner à cette classe la place qu’elle mérite, quel que soit le parti qui remportera les prochaines élections ».