Le Made In Morocco … une cause nationale

- La crise sanitaire a profondément remis en cause les modèles économiques établis
- La souveraineté économique est ainsi devenue un enjeu de développement majeur et le « Made in Morocco » est considéré, dans cette perspective, comme une priorité nationale et un impératif pour l’avenir économique du pays. Eclairage.
Les avis sont unanimes : le Made in Morocco s’impose comme l’un des principaux leviers de croissance économique. Il est même considéré comme un gage de souvrainté économique. Le covid-19 a fait office de lanceur d’alerte. La pandémie a en effet fragilisé de nombreux secteurs. Pour la relance, une prise de conscience collective a été observée quant à l’origine des produits et l’importance du soutien envers les producteurs locaux. Gouvernement, patronat, associations… tous plaident en faveur du développement du « made in Morocco ». Pour eux, c’est un levier clé de la relance. Selon l’économiste Mohamed Jadri, la crise sanitaire a démontré la fragilité des chaînes de valeur mondiales et a révélé nos vulnérabilités. Difficultés d’approvisionnements en actifs pharmaceutiques, pénuries de composants électroniques…jamais la production locale n’a été jugée aussi nécessaire. Il ajoute que le contexte économique était favorable pour une consommation du produit local et l’exécutif a profité de cette opportunité pour encourager la consommation des produits locaux à travers le label « Made in Morocco». Mais le sujet en soi n’est pas récent. Le président de l’association professionnelle des marques marocaines (APMM), Adil Lamnini, explique en effet que les professionnels militent depuis plus de huit ans pour donner au label « Made in Morocco » la place qu’il mérite. Il ajoute, par ailleurs, que la crise sanitaire a permis au Maroc de gagner dix ans sur ce volet. Abdelaziz Mantrach, vice-président de l’ASMEX, abonde dans le même sens en affirmant que «cela fait des années que nous avons compris l’enjeu. Nous avons même déposé la marque « Made in Morocco » à l’international en vue de la protéger. Ensuite, le sujet est devenu d’ordre stratégique avec l’émergence d’une prise de conscience collective. Depuis, nous avons cédé ce dépôt de marque à l’AMDIE ».
Une prise de conscience collective
Aujourd’hui, le « Made In Morocco » est devenu une politique d’Etat et une priorité nationale. Le Roi a déjà montré la voie en appelant à «la création d’un dispositif national intégré ayant pour objet la réserve stratégique de produits de première nécessité, notamment alimentaires, sanitaires et énergétiques et à la mise à jour continue des besoins nationaux en la matière». Ensuite, le Nouveau Modèle de Développement (NMD) a fait le pari de faire du Made in Morocco un gage de qualité et de compétitivité de rang mondial, accélérant son intégration dans les chaînes de valeur mondiales et régionales. Aussi, le sujet jouit d’une importance capitale dans le programme gouvernemental pour la période 2021-2026. L’exécutif s’est engagé en effet à promouvoir la compétitivité nationale et booster la production locale.
La recette est la suivante : adopter un protectionnisme réglementaire et stratégique et promouvoir le « patriotisme économique » via la protection des capacités de production des différentes régions du Royaume et donc la préservation des emplois existants et la création de nouveaux postes de travail. Il s’agit, également, d’opérationnaliser les mécanismes de préférence nationale dans le cadre des marchés publics et encourager les initiatives d’investissement, de simplifier les procédures juridiques et administratives et de soutenir la compétitivité des entreprises nationales qui ont prouvé leur capacité d’adaptation pendant la crise sanitaire à travers des incitations à l’innovation, à la recherche, au développement et à l’exportation, avec l’ambition de passer de la culture de consommation à celle de la production. De son côté, la CGEM a recommandé la réconciliation des consommateurs marocains avec les produits locaux. Le patronat note, ainsi, que le Made in Morocco constitue la future locomotive qui permettra au Maroc d’asseoir ses acquis industriels, de développer un marché domestique fort et compétitif (rapport qualité/prix), et d’étendre sa position de pays exportateur de premier rang.
Le contexte géopolitique, un accélérateur ?
Au moment où l’économie marocaine lutte pour se refaire une santé, le conflit entre la Russie et l’Ukraine vient accentuer les tensions sur les chaînes de valeur au niveau mondial. Les pays importateurs des produits énergétiques et alimentaires accusent le coup. Et le Maroc n’échappe pas à cette donne. «Si la crise sanitaire a permis de prendre conscience de l’enjeu de la souveraineté économique nationale, le contexte géopolitique actuel devrait être vu comme un accélérateur du développement de la dynamique enclenchée autour du Made in Morocco », assure Mohamed Jadri tout en nuançant que « le chemin vers la souveraineté économique est encore long ». Et tout dépendra, selon lui, de la capacité de la révision des modèles économiques actuels de bon nombre de secteurs, comme celui de l’agriculture, pour qu’ils soient capables de transformer les menaces externes en opportunités