Protection sociale … Les médecins font défaut !
Le Maroc souffre d’une pénurie de médecins et de personnel soignant. En l’absence de mesures adéquates, la situation risque de s’aggraver dans le futur. Ce qui risque de mettre en hypothèque le chantier de généralisation de la protection sociale

Les avis sont unanimes. La refonte globale du système de santé national est devenue une urgence, vu les insuffisances structurelles et le manque important de médecins et de personnel soignant. D’ailleurs, le Maroc figure parmi les 137 pays souffrant de pénurie aigue en la matière. Les chiffres sont, en effet, alarmants. La nouvelle carte sanitaire publiée par le ministère de la santé révèle que le système de santé compte 13.682 médecins en 2022, en légère amélioration par rapport à 2020 où le total était de 12.454. Pour une population de 37 millions d’habitants, le ratio est de 7,5 médecins pour 10.000 habitants alors que le standard de l’OMS est de 15,3 médecins pour 10.000 habitants. Intervenant lors d’une conférence-débat organisée par l’université Mundiapolis sous le thème « Les ressources humaines comme levier de développement du système national de santé », Abdelali Alaoui Belghiti, expert en santé publique et ancien secrétaire général du ministère de la santé, est catégorique : «si rien n’est fait, le gap serait de 100.000 en matière de personnel de santé d’ici 2030. Et le déficit concernera toutes les régions du Royaume ».
Un autre hic et non des moindres, une sur-spécialisation médicale avec un ratio spécialistes/généralistes de 1,9 contre les 1,5 recommandés par l’OMS et 1,6 de ratio infirmiers /médecins. La répartition par région montre que les professionnels de santé médicaux dans le secteur public sont concentrés essentiellement dans la région de Casablanca-Settat où leur nombre s’établit à 3.623 suivie des régions de Fès-Meknès (2290), Marrakech-Safi (1.944), Rabat-Salé-Kénitra (1.819), Oriental (1.182) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (922). On note par ailleurs une insuffisance du corps médical au niveau des régions de Beni Mellal-Khénifra (582), Souss-Massa (545), Draa-Tafilalet (350), Laayoune-Sakia El Hamra (178), Guelmim-Oued Noun (175) et Eddakhla-Oued Eddahab (72).
Pénurie dans certaines spécialités
Par spécialité, le pays compte 639 gynécologues, 596 chirurgiens-dentistes, 563 pédiatres, 496 radiologues, 466 anesthésistes-réanimateurs, 408 chirurgiens, 408 traumatologues, 972 cardiologues, 305 gastro-entérologues, 301 néphrologues, 257 psychiatres, 240 urologues, 240 dermatologues, 225 chirurgiens pédiatre et 220 radiothérapeutes. Pour certaines spécialités, les chiffres restent en deçà des aspirations. C’est le cas de l’oncologie qui ne totalise que 180 médecins ou la chirurgie cardiovasculaire dont le nombre de médecins ne dépasse pas 82 ou encore la chirurgie cancérologique qui ne compte que 9 médecins. Avec ses deux médecins, la médecine biophysique n’est pas mieux lotie.
Manque de matériel et capacité réduite
Sur le volet infrastructures sanitaires publiques, le ministère de la santé note que le pays compte 2.157 établissements de soins de santé primaire dans le public, dont 861 centres de santé urbains et 1.296 centres de santé ruraux. Pour les établissements hospitaliers, il y a 155 hôpitaux sur tout le territoire avec une capacité de 25.199 lits. Les données publiées montrent également qu’il existe seulement dix hôpitaux psychiatriques avec une capacité de 1.512 lits et 128 centres d’hémodialyse pour les malades dans le public avec un nombre total de 2.613 appareils de dialyse.
Cette carte sanitaire révèle également que les établissements hospitaliers dans le public font face à un manque de matériel, notamment au niveau des équipements biomédicaux et installations de haute technologie avec 130 scanographes, 111 unités de mammographie, 92 échodopplers 4 D, 51 lasers, 27 unités de radiologie panoramique, 26 IRM, 16 simulateurs, ostéodensitométrie (14) , et 1 TEP-San ( Tonographie à émission de position couplé à un scanner).
Les professionnels du secteur sont convaincus aujourd’hui qu’il faut anticiper la résorption du déficit et agir dès maintenant pour éviter une éventuelle « catastrophe ». Ils appellent ainsi à un véritable partenariat public-privé permettant à la population de bénéficier d’une prise en charge médicale efficiente.
Alaoui Belghiti insiste aussi sur le renforcement de l’offre de formation. «Il faut exploiter tout le potentiel de la formation. Le privé doit donc contribuer à la formation du personnel soignant de demain. L’OMS recommande d’ailleurs une alliance entre le public et le privé pour relever le défi des besoins en formation du personnel de la santé », souligne t-il.
Concernant les infrastructures de santé, nécessaires pour réussir le chantier de l’élargissement de la couverture médicale, le gouvernement a souligné que plusieurs réunions ont été tenues afin de mettre en place le cadre juridique adéquat, aussi bien au niveau des services de santé, qu’en termes de ressources humaines et digitalisation. D’ailleurs dans la loi de finances 2022, une enveloppe de 23,5 milliards de dirhams du budget général de l’État est allouée au ministère de la Santé et de la protection sociale, en hausse de 19% par rapport à l’exercice 2021. Une partie de ces fonds sont destinés à la réhabilitation de 1.500 hôpitaux de petite dimension et de 30 hôpitaux régionaux.