Dark Kitchens au Maroc : la restauration sans salle qui change les habitudes

Les dark kitchens — cuisines professionnelles sans salle ni service — s’imposent peu à peu dans le paysage urbain marocain. Porté par la digitalisation et l’essor de la livraison, ce modèle bouleverse la restauration traditionnelle et redéfinit la relation entre le consommateur et son repas.
Inspirées du modèle anglo-saxon, ces cuisines se sont développées à Casablanca, Rabat ou Marrakech après la pandémie. Pas de tables ni de serveurs : tout passe par les applications de livraison. Un même local peut abriter plusieurs marques virtuelles : Mr. Shawarma, Healthy Bowl ou Wok Express partagent parfois la même cuisine. « Notre vitrine, c’est l’application », résume un fondateur casablancais.
Le modèle repose sur la donnée : les plateformes comme Glovo ou Jumia Food analysent en temps réel les plats les plus demandés et les zones les plus actives. Les restaurateurs ajustent leur carte à la minute, réduisant coûts et risques. Selon le Food Industry Monitor Maroc, plus de 40 % des nouveaux projets de restauration lancés depuis 2024 misent sur ce format.
Pour les consommateurs, l’avantage est clair : rapidité, variété, promotions. Près de 60 % des commandes urbaines passent désormais par une appli mobile. Mais la perte du contact humain et le flou sur la provenance des produits interrogent : « On ne sait plus qui prépare ce qu’on mange », confie une cliente de Mohammedia.
Les restaurateurs traditionnels, eux, peinent à suivre. Certains créent leurs propres marques virtuelles pour survivre, d’autres dénoncent les commissions élevées des plateformes (jusqu’à 30 %). Le cadre juridique reste flou : ni restaurant ni traiteur, la dark kitchen échappe encore à une réglementation claire. L’ONSSA prévoit un registre numérique des cuisines partagées d’ici 2026 pour mieux contrôler hygiène et traçabilité.
Derrière cette révolution culinaire se cachent aussi des défis sociaux et environnementaux : précarité des livreurs, usage massif de plastique, absence de normes fiscales. Pourtant, des initiatives marocaines comme GreenPack ou SmartFood tentent d’y répondre avec des emballages biodégradables et des cuisines à faible empreinte carbone.
Entre innovation et responsabilité, la restauration marocaine entre dans une nouvelle ère : invisible, rapide, connectée — mais qui devra encore prouver qu’elle peut être durable.






