L’or dévisse, la bijouterie marocaine vacille

La chute brutale du cours de l’or secoue les marchés internationaux et met sous pression la filière aurifère marocaine. Entre dépendance aux cotations mondiales, rigidité administrative et essor du marché informel, les artisans et bijoutiers du Royaume peinent à maintenir leurs marges dans un secteur à forte valeur culturelle et économique.
Après plusieurs mois de progression continue, le métal jaune a connu un décrochage spectaculaire. En une seule séance, le cours de l’or a reculé de 6,3 %, passant de 4 356 à 4 125 dollars l’once, une correction d’une ampleur inédite depuis plus de dix ans. L’argent a suivi la même tendance, chutant de près de 9 %.
Malgré cette correction, les analystes restent optimistes : le cycle de baisse des taux amorcé par la Fed redonne de l’attrait à l’or, actif non rémunéré, et plusieurs prévisions tablent sur un rebond possible vers 4 900 dollars l’once en 2026.
Ces fluctuations mondiales n’épargnent pas le Maroc, où le marché de l’or, bien que modeste à l’échelle internationale, demeure étroitement indexé sur les cours mondiaux. Dans les souks de Marrakech, Fès ou Casablanca, les artisans bijoutiers ajustent quotidiennement leurs prix, parfois d’une matinée à l’autre.
« Les prix changent sans cesse, et nos marges se réduisent », confie Idriss El Hazzaz, président de la Fédération nationale des bijoutiers. « Nous dépendons totalement du marché mondial, sans mécanisme de stabilisation ni politique nationale de régulation. »
Le prix du gramme d’or brut s’établit actuellement autour de 940 dirhams, après avoir dépassé les 1 000 dirhams il y a quelques semaines. Pour de nombreux ateliers, cette instabilité fragilise la rentabilité et décourage l’investissement, notamment chez les jeunes artisans.
L’offre nationale repose sur trois sources principales : le recyclage, la production minière et les importations. Le recyclage d’anciens bijoux couvre à peine 15 % des besoins. Quant à la production minière marocaine, elle reste largement tournée vers l’exportation, malgré une réglementation imposant de réserver une partie de la production au marché intérieur.
Les importations demeurent, elles, contraintes par des procédures de change jugées trop complexes. Résultat : une partie croissante de l’or transite par des circuits informels, notamment via des importations illégales de bijoux italiens ou moyen-orientaux. Ce marché parallèle, difficile à quantifier, renchérit les prix de 5 à 10 % pour le consommateur final et prive l’État de recettes fiscales substantielles.






